Ici une scie, là une perceuse à colonne, sur l’établi, un rabot… La grand-mère d’Edgar Flauw ne reconnaîtrait sans doute pas sa maison de Coat-Méal. Le jeune designer partage désormais les lieux avec d’autres anciens étudiants de l’Ecole Européenne Supérieure d’Art de Bretagne, basée à Brest. J’ai roulé une demi-heure sous un ciel noir pour atteindre le pavillon, j’ai laissé mon regard naviguer de jardin en jardin avant d’atteindre le bon, tapissé de myosotis. Toute la journée, les élèves brestois avaient exposé leurs projets devant le jury dont je faisais partie. Je découvre soudain dans ce petit coin de campagne une autre énergie créatrice, débordante, une émulation. Une éclaircie.

Entre deux établis, une housse. Edgar Flauw en sort une planche de surf qui ressemble à une arête de poisson, et ce n’est pas seulement une affaire de style. Extrait du projet Ludarista, l’objet expérimente des formes directement inspirées de la mer et de sa faune. Pour le concevoir, le jeune homme, 26 ans, a utilisé un maximum de matériaux respectueux de l’environnement, quitte à s’éloigner du caractère technique de la discipline et de l’exigence de performance. «C’est une planche qui permet de découvrir de nouvelles sensations, affirme Edgar Flauw. Je cherche à retrouver des valeurs plus raisonnées.» Le prototype est en pleine évolution. Le designer collabore avec un centre de radiologie afin d’obtenir des radiographies de toutes sortes de poissons qu’il numérise, ainsi qu’avec des artisans travaillant le bois et équipés d’outils de découpe numérique.

L’océan et son littoral sont au centre de l’univers d’Edgar Flauw. Au cœur de ses travaux, l’expérimentation de l’eau salée en mouvement et le dialogue entre l’homme et la mer, par le biais d’interfaces comme le projet Ludarista, mais aussi Sea to Sea qui utilise les déchets qu’on retrouve dans la mer, véritables nuisances écologiques. Le designer sélectionne ces matériaux et les assemble afin de les façonner en objets de glisse, donc en vecteurs de plaisir. Ce qui les rend intéressants, hormis le recyclage de matières, est l’utilisation des effets du temps et des intempéries sur ces objets à des fins techniques. Le designer désigne ainsi un morceau de bois rendu granuleux par son voyage océanique. Il l’a utilisé comme grip sur la planche.

A l’étage de la maison, une vaste pièce dessert les chambres. Celle d’Edgar Flauw est à son image, simple et ingénieuse. Sur une étagère, divers livres sur le surf sont rangés. Le designer s’est approprié chacune des histoires qu’ils recèlent. Car bien sûr, le surf est bien plus qu’un sport technique et de compétition, c’est une culture en constante évolution, et Edgar Flauw compte bien participer à son enrichissement.

—Olivier Millagou

Paru dans Surfer’s Journal 118

Edgar Flauw lance un financement participatif pour une œuvre et une exposition prochaine. Découvrez le projet sur https://www.chuilla.fr/projects/edgar_flauw/