Titus Kinimaka.

Peut-être que cela lui rappelle la période (années 1980) où il était fabricant à Hendaye de dérives de windsurf, où il manipulait les produits, où il plongeait les mains dans la matière. Toujours est-il qu’après plus de 25 ans de carrière professionnelle comme photographe de surf, Bernard Testemale, plus que reconnu dans le métier, passé comme ses collègues, de la subtilité du diaphragme d’ouverture combinée à la qualité des optiques avec la pellicule argentique, à la course au meilleur capteur numérique faisant l’ivresse incessante de la colorométrie pixelisée d’aujourd’hui, hé bien après tant d’expérience photographique, notre sexagénaire a décidé de revenir à l’origine de la photographie avec des prises de vues comme en 1850.

La photo au collodion, il n’est pas le premier, ni le seul (voir SJ n°111), mais à tout le moins Bernard Testemale y a mis toute sa passion depuis six ans. Et il s’est donné les moyens de convaincre de la beauté et de l’intérêt du procédé pour trouver Quiksilver comme mécène d’une exposition et d’un livre inédits et puissants sur les surfers de l’Eddie Aikau. Une galerie de portraits où la noirceur du trait fait corps avec des individus enracinés dans l’histoire originelle du surf. Tout comme cette photographie au collodion a pu témoigner au XIXème siècle des Indiens rencontrés en Amérique du Nord, elle redonne ici sa fierté à des Hawaiiens et autres watermen pour qui les grosses vagues sont plus qu’un salut.

«Je cherchais un autre rendu photographique, explique Testemale, et j’ai découvert la photographie au collodion qui m’a passionné. J’ai trouvé le matériel en bataillant notamment pour avoir des optiques de l’époque, des objectifs qui ont 150 ans. J’ai fait un stage de quatre jours pour bien connaître le procédé. On doit sensibiliser la plaque de métal avec des produits chimiques avant la prise de vue, puis on la développe sur place aussitôt avec d’autres, et il faut faire attention, être délicat, d’autant que ces produits ne sont pas faciles à trouver.

«Le projet était donc de faire le portrait des surfers invités à l’Eddie Aikau, lors de l’hiver 2014-15. Je suis resté trois mois pour m’atteler à ces photographies. Ce ne fut pas simple à organiser, car en plus d’avoir les surfers disponibles au bon endroit avec la bonne lumière, il a fallu que j’achète les produits au Nouveau-Mexique et que je les fasse venir en envoi spécial par Fedex à Hawaii. Après ce qui fut sympa, c’est que tous les surfers ont bien joué le jeu. C’est vrai que la prise de vue qui est lente crée un moment de partage indéniable.»

A l’arrivée près d’une cinquantaine de portraits saisis avec son appareil qu’il nomme Soul Trapper, auxquels s’ajoutent quelques photos de lieux qui ont fait l’objet d’une magnifique exposition à Paris, puis récemment à San Sebastian. Exposition qui, bien sûr, a eu entre temps son accueil enthousiaste à Hawaii, Bernard Testemale donnant un sacré relief à l’héritage dont tous ces surfers se sentent aussi un peu garants.

—Gibus de Soultrait

Paru dans Surfer’s Journal, n°117

Le livre The Big Wave Riders of Hawaii, avec un texte en anglais de Jamie Brisick est disponible dans les magasins Quiksilver ou Quilsilver.fr. Sinon via  www.bernardtestemale.com et contact brainshots@wanadoo.fr

Exposition jusqu’au 12 août à la Galerie de Helder Supply Co, 15 Bvd Général De Gaulle, 64200 Biarritz