lfA l’occasion des 60 ans de la sortie dans le réseau cinéma de The Endless Summer, (filmé en 16 mn et gonflé alors en 35 mn), le mythique film de Bruce Brown ressort actuellement en salle, dans une version numérisée de haute qualité (et sous-titrée).

The Endless Summer est tourné par Bruce Brown en 1962/63 et sort en 16 mn en 1964. Bruce Brown fait alors partie des cinéastes surf comme Bud Browne (son aîné), John Severson, Greg Noll de la fin des 50’s/début 60’s dont les films de pur surf (les surf movies, à ne pas confondre avec les beach movies d’Hollywood) remplissent les salles communales de Californie avec un public de férus des vagues. Du hardcore, dirait-on aujourd’hui. Mais Bruce Brown, surfer passionné, a aussi envie de faire une carrière cinématographique, et il se lance dans le projet d’un long métrage, autour d’un tour du monde avec deux jeunes surfers, Robert August et Mike Hynson, parmi les meilleurs du sud de la Californie (faisant partie du fameux WindanSea surf club).

Pour des raisons de coûts (les billets d’avion étant moins chers en faisant des sauts de puce), Brown mène son périple en passant par l’Afrique, ce qui vaut au duo de surfers de passer Dakar, le Ghana et le Nigeria, avec des scènes épiques de rencontre avec la population locale. La séquence en Afrique du Sud est la plus connue, avec la découverte de la vague parfaite de Cap St Francis (et non pas Jeffreys Bay, pourtant juste à côté). Le voyage mène l’équipe en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Tahiti où là on est loin de Teahupoo ou même de de Taapuna, l’idée de surfer le reef ne traversant pas l’esprit des deux surfers.

Lorsqu’il monte son film, Bruce Brown n’a pas d’idée de titre, mais lui vient The Endless Summer comme un trait d’humour, signe de fabrique de tout le commentaire amusé qu’il accole avec sa propre voix aux images du film. Bruce Brown veille à faire un film de surf comme il en a tant fait, mais avec l’envie d’une plus grande audience grand public. Le film suit d’abord le chemin des surf movie où il connaît un vrai succès, ce qui pousse le réalisateur à trouver un diffuseur pour le circuit des salles. Gonflé en 35 mn, le film connaît plus de succès dans le Kansas que certains blockbusters du moment, et à partir de 1966 il suit une diffusion national et international en salles.

Mais ce que n’avait pas prévu, ni même voulu Bruce Brown est un succès du film auprès de la jeunesse d’alors à cause du contexte du moment. Entre la première sortie du film en 1964 et sa diffusion nationale en 1966, les USA sont rentrés officiellement en guerre au Vietnam en 1965, avec l’envoi de près de 2000 000 hommes dans l’année dont beaucoup d’appelés, (des jeunes de 20 ans et plus dont le nom est tiré au sort), sur front contre les Vietcongs. En 1966, la mobilisation de la jeunesse contre la guerre du Vietnam prend forme dans les campus universitaires et dans les familles dont parents et enfants ne partagent pas l’intérêt de cette guerre impérialiste américaine, lié aussi au contexte de la guerre froide.

Bien que sans message politique aucun et d’une construction cinématographique sans prétention et assez simple, mais de part son sujet, un voyage pour les vagues, et son titre, l’été sans fin, The Endless Summer caractérise ce que la jeunesse en révolte d’alors décide d’avoir en rêve (et en réalité) face au cauchemar du Vietnam. Non seulement The Endless Summer va pousser alors nombre de jeunes aux surf, mais indirectement il va être un des germes de la révolution hippie des 60’s  anti-vietnam dont la Californie et son surf sont une des scènes majeures.

Si Robert August et Mike Hynson (que l’on voit prendre l’avion en costume cravate dans le film) seront des chantres de cette revolution, drogue, cheveux longs et shortboard à l’appui, Bruce Brown avouera avoir été dépassé par le phénomène et ne pas avoir totalement partagé ce “détournement” de son film… qui enfantera une long de série de films de surf dont le voyage et la quête de la vague seront chaque fois l’essence narrative.

La sortie en salles, cet été, de The Endless Summer remasterisé est à ne pas louper, même si le film peut sembler un peu long selon les critères cinématographiques d’aujourd’hui. Mais les images sont superbes, les commentaires de Brown rappellent que le surf est là pour le fun et quant à Hynson et August, leur technique de surf sur ces gros longboards keel fin reste un belle leçon de surf et de gestuelle, sans parler des séquences de quelques autres très bons surfers comme Phil Edwards ou encore Butch Van Artsdalen à Pipeline, premier veritable master du spot, impressionnant d’aisance au take-off et dans l’approche du tube.

En 1994, Brown fera une version 2 de The Endless Summer avec Pat O’Connell en shortboard et Wingnut en longboard, avec notamment une étape en France avec Tom Curren. Une version 2 plaisante, mais sans la portée et la puissance de la première… qu’il faut donc aller (re)voir sans façon.

—Gibus de Soultrait

A noter aussi, dans le Surfer’s Journal 114 (juin-juillet 2016) actuellement en kiosque, l’article de Derek Hynd sur le réveil de Cap St Francis qui reprend aussi l’histoire de ce spot au travers de The Endless Summer.

Images de la projection en salle de The Endless Summer remasterisé

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