Oui, l’eau est partout autour du monde, constitue le monde. 70% de la surface planétaire, ce sont les océans. 60% de notre masse corporelle est aquatique. Son cycle est vital, de son évaporation océanique à la pluie qu’elle déverse, de sa source en montagne à son écoulement dans les estuaires et autres bras de mer. Sauf que l’eau se dessèche, que les glaciers fondent partout, que son niveau marin monte tout autant que son oxygénation océanique s’acidifie et que le plastique la gagne de partout, jusque dans le plancton des plus grandes profondeurs de la fosse des Mariannes (11 000 m) comme dans la bière fraîche qui vous lèche les babines, sans parler des nappes phréatiques, réceptacles de tous nos résidus chimiques… Bref l’eau, une affaire de plus encore à gérer pour l’humanité avec ses 7,7 milliards d’habitants ! Finie l’insouciance !

A bord au large de Biarritz, septembre 2020, les surfeurs de la Water Family. (De devant au fond) Benjamin Dutreux, skipper et aussi surfeur, Ewen Legoff, Aurel Jacob (Lost in the swell), Mathieu Crépel et Damien Castera. DR

Le 8 novembre 2020, c’est le départ aux Sables d’Olonne du 8ème Vendée Globe Challenge, mythique, épique course à la voile en solitaire autour du monde sans escales dont seuls les Français ont le génie, la folie, la poésie d’organiser tous les quatre ans, comme d’y participer, génération après génération de grands marins. Et cette année, que nenni la covid, 33 bateaux répondent au défi. Des bateaux en majorité avec des noms d’entreprise, sponsors obligent. Néanmoins dans le lot, il y a un skipper, Benjamin Dutreux, qui a écrit en énorme sur sa coque comme sur sa voile avant: Water Family. Non pas Suez, Vivendi (vos factures d’eau !), mais bien Water Family, une association plus connue jusqu’à présent sous le nom Du flocon à la vague et qui, depuis 2009, a fait de l’eau la source de ses actions pédagogiques bienfaitrices, aussi bien en missions scolaires éveillant les enfants à la valeur inestimable de ce qui coule au robinet, que par le biais de défis sportifs interpellant le public à se soucier de ce qu’il boit comme de ce dans quoi il nage. Au départ, une histoire de glisseurs. Bernard Crépel, skieur, surfeur, originaire de La Mongie, station pyrénéenne d’où le fleuve l’Adour prend sa source, lance avec quelques compères un défi sportif en équipe associant descente du Pic du Midi en ski/snowboard, traversée de Pau en rafting/kayak puis compet de surf aux Cavaliers, à côté de l’estuaire. La symbolique est forte, elle frappe les esprits. Portée par des sportifs de renom dont Mathieu Crépel, fils de et champion du monde de snowboard, Du flocon à la vague tisse sa toile associative, fait même venir Danièle Mitterrand dont la fondation humanitaire a pris l’eau comme cheval de bataille. En digne résistante acharnée jusqu’à sa disparition, ce jour-là Danielle Mitterrand ne mâcha pas ses mots pour qu’on fasse de l’eau le bien commun de l’humanité… et qu’on se mette tous à la tâche. Dit autrement, Benjamin Dutreux en choisissant de voguer autour du monde sous l’en-tête de la Water Family, ne porte pas moins sur son bateau que cette grande famille qu’est l’humanité !  De quoi irradier le visage de feu Danielle Mitterrand qui savait s’enthousiasmer…

Le 19 septembre 2020, l’ancien Imoca renové de Benjamin Dutreux, Omia-Water Family passe au large de la côte basque sur un aller-retour sans escales, Sables d’Olonne-Biarritz, pour continuer de tester le bateau avant le départ du Vendée Globe, le 8/11/20. DR

Natif de l’Ile d’Yeux, le skipper vendéen de 30 ans est doté d’un double esprit entrepreneurial et compétitif, le tout enveloppé d’une conviction écologique si ancrée qu’il en a fait son flambeau. Grandissant dans la compétition de voile depuis son plus jeune âge, Benjamin Dutreux a donc professionnalisé sa passion en faisant de sa carrière et de son palmarès un objectif tant pour lui que pour les entreprises le parrainant. Pour autant depuis deux ans il a donné à la Water Family la primauté du nom des bateaux avec lesquels il navigue, trouvant dans cette association la forme pédagogique correspondant à sa nature empathique. Ainsi, s’il invite à bord les patrons de ses sponsors, Benjamin Dutreux ne lésine pas sur son temps pour instruire les enfants de l’importance de l’eau. Habitué de la course du Figaro (5ème en 2018), il s’est lancé dans les courses au large. La Jacques Vabre en duo en 2019, et donc le baptême d’une première circum-navigation avec le Vendée Globe 2020. Sponsorisé par des PME de sa région (Omia, entreprise de traitements surface, Sateco, dans le BTP, Eoliennes de Noirmoutier…), il fait partie des concurrents ayant pour but d’une course en moins de 80 jours. Benjamin est aussi surfeur, les vagues il connaît. Et parions qu’à la barre des 18,28 m de

Water Family, sur du swell de la taille de Belharra dans l’Antarctique, il se grisera à partir «au surf», avec un sens de la vague l’avantageant sur ses adversaires. En tous les cas, il a tous les surfeurs (de Vendée) en supporters !

Bon vent, Benjamin, on suit Water Family. ( Voir www.vendeeglobe.org/fr )  —GS

 

Publié dans Surfer’s Journal N°140