Sollicitée par Alternatiba à l’occasion de sa dernière étape, à Biarritz, d’un tour de France en vélo visant à sensibiliser par rapport au réchauffement climatique, une quarantaine de surfeurs et surfeuses, mobilisés entre autres par Surfrider Foundation 64, se sont retrouvés le 6 octobre 2018, à la Grande Plage et ont ramé pour la planète. La rencontre des cyclistes et des surfeurs autour de cette mobilisation conviviale et joyeuse dans le combat écologique fut un événement heureux et un moment de partage bienfaiteur pour celles et ceux qui la vécurent. Geste modique d’aller ramer jusqu’au rocher du Channing, mais dont l’énergie collective, mêlée à celle enthousiasmante d’Alternatiba, a eu de quoi soulever les élans.
Alternatiba, association écologique engagée, née à Bayonne peu avant la Cop21 de 2015, qui connaît aujourd’hui plus de 150 autres groupes en France et dans le monde, montrait l’exemple, avec leur second périple national de plusieurs mois à sillonner les villes, à la force des mollets, pour porter la prise de conscience écologique dans les quartiers, dans les foyers, dans les écoles. Exemplarité du geste, explication du sérieux des enjeux écologiques actuels, invitation, dans l’enchantement, à tous agir. L’avenir est à celles et ceux qui se retroussent les manches, surtout quand son pronostic est alarmant.
Les surfeurs, acteurs écologiques occasionnels mais surtout jouisseurs égocentriques de ce que la nature leur donne, se sont retrouvés là un peu au pied du mur de la poursuite de leur geste de ramer. On a ramé, ce jour-là, pour éveiller les consciences tout en se réveillant soi-même un peu plus. On a ramé pour interpeller les décideurs, fort de leur pouvoir effectif. On a ramé pour se rassembler, se reconnaître dans la compréhension partagée de cette urgence écologique primordiale. On a ramé pour se donner de l’énergie à devoir de plus en plus agir. Aussi cela ne pouvait en rester là.
Biarritz, ville historique du surf et toujours active pour faire de ses vagues la vitrine de son attrait, le dynamisme de ses clubs et de ses écoles et l’excitation de ses événements (championnat du monde 2017, candidate aux JO Paris 2024), accueille, les 25-27 août 2019, quelques-uns des plus grands dirigeants de ce monde, avec le sommet du G7… au-dessus de la Grande Plage. De Macron à Trump en passant par Merkel (Allemagne), Trudeau (Canada), Conte (Italie), May (Royaume-Uni), Abe (Japon), Tusk et Junker (Europe)… ils seront là avec leur délégation d’experts, à s’échanger leurs intérêts propres sous couvert de vouloir peser sur l’évolution des incertitudes du monde. Et sous leurs yeux des surfeurs qui, comme tous les jours à Biarritz, batifolent dans les vagues de la Grande… mais aussi devant eux un océan qui, si beau soit-il, subit gravement le mode productif de notre société de consommation moderne actuel, au même titre que la planète toute entière… De quoi croire, alors, pouvoir les interpeller en continuant de ramer. Mais surtout de quoi se motiver de ramer en prenant comme horizon ce G7 à Biarritz, histoire de faire peser, de faire ressentir une planète malmenée écologiquement, auprès des surfeurs et autres glisseurs… histoire d’occasionner le geste de rendre un peu à l’océan, du plaisir qu’on y prend. Un geste dont la portée envers soi prime tout autant que sa retombée collective.
AinsiRame pour ta planèteest passé de ce samedi partagé avec Alternatiba à tous les premiers samedis du mois jusqu’au G7, avec au-delà d’une manifestation mensuelle à la Grande Plage de Biarritz, la volonté que cette rame se démultiplie en autant d’initiatives et de lieux possibles, de façon régulière comme occasionnelle, ces mêmes premiers samedis du mois.
Derrière cela un petit groupe de motivés pour engager l’odyssée. Dix premiers samedis du mois jusqu’au G7 et un onzième la veille du sommet, c’est du chemin ! Va falloir passer l’hiver pour germer le mouvement et le faire fleurir au printemps et à l’été. Déjà un site web www.ramepourtaplanete.comoù tout est raconté, annoncé régulièrement. Le tissage viral des réseaux, le buzz individuel des conversations, l’écho des rames effectuées et l’excitation de celles à faire… la voie est ouverte: la vague est là, elle est à prendre pour quiconque se motive et se sent naturellement porté de la surfer.
Dans nos contradictions à dénoncer les pollutions et à forcément toujours polluer par nos modes de vie obligés et insouciants, le geste de ramer n’est pas l’injonction d’une leçon à donner aux autres, mais déjà la sensation qu’elle peut s’appliquer humblement à soi, par la continuité d’autres petits gestes, réduisant notre gaspillage incessant quotidien. De ramer tous les mois conduit à la persévérance de tous les jours.
Puis après tant d’années, de décennies à avoir prôné les valeurs de son mode de vie à s’éclater avec les vagues et la nature et effectivement s’éclater (tant mieux !), les surfeurs, les glisseurs (du lambda aux compétiteurs, aux moniteurs, aux médiateurs, du businessman aux organisateurs et autres propagateurs de message…), l’heure est venue pour ce secteur d’activités, si enchanteur et colporteur du plaisir à tirer des éléments naturels la planète, de désormais réellement la considérer dans son état, comme les scientifiques nous l’exigent, et de lui accorder la résilience d’un geste de considération engagé. Qui mieux que celles et ceux qui ressentent la nature dans sa réjouissance se doivent d’en éveiller la renaissance par désormais une attitude courageuse, audacieuse et pourquoi pas exemplaire.
Mis à la hauteur de ce que ce secteur de la glisse recoupe dans sa globalité, le geste de ramer, comme celui qui lui ressemble, a tout pour être de nature effective. Oui, suscitons les effets. Rame pour ta planète… et tu surferas !:) Et tes enfants et petits-enfants aussi…
—GS
Paru dans Surfer’s Journal 129