img_0219Voilà presque une heure que nous sillonnons la route en direction du nord sous une chaleur écrasante. A vive allure sur l’autoroute, assis sur la banquette de notre taxi, nous slalomons entre les camions surchargés et les bus colorés. La vie sur le bord des routes est surprenante. Des échoppes sont installées de chaque côté:  les usines et stocks de granitiers, scieries, matériaux de construction  se partagent les bordures de route. Au détour d’un virage, nous apercevons l’océan. Nous arrivons à Kodi Bengare.

Kodi Bengare est un petit village de pêcheurs, situé sur la côte ouest de l’Inde, dans la province du Karnataka, juste au nord du bien connu état de Kerala. Le village est situé sur une langue de terre d’à peine trois kilomètres de long et n’est pas plus large qu’un terrain de foot. D’un côté l’océan Indien, de l’autre le delta de la rivière de Suvarna. Au bout, se trouve un petit port de pêche où chaque jour, des bateaux sortent en mer pour ramener du poisson pour de la friture.

Nous nous engageons sous les palmiers sur une petite route sinueuse, de petites maisons colorées profitent de l’ombre. Le taxi s’arrête devant l’une d’entre elles. Nous apercevons les ailerons d’une planche posée sur le sable, et sur le toit en tuiles ocres, une pancarte en forme de planche de surf. Nous sommes arrivés à bon port.

Accueillis par les larges sourires d’Ishita Malaviya et son compagnon Tushar Pathiyan, nous découvrons le lieu où se repose leur chien Marley. Depuis 2007, le couple vit dans cet endroit paisible et chaleureux, en développant leur entreprise. La petite bâtisse, un ancien bistrot, a été rénové et adapté pour créer The Shaka Surf Club, un des tout premiers surf camps de la côte indienne.

Le camp se compose d’une maison principale abritant les planches de nombreuses couleurs et d’un espace détente. Une dizaine de tentes est répartie sur le terrain, au pied de l’eau avec vue sur les eaux calmes du delta. Le surf camp accueille tout au long de l’année des surfers du monde entier, en voyage en Inde. Au milieu, pour s’abriter du soleil, une grande toile est tendue entre les palmiers.

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Avec son compagnon Tushar Pathiyan connu à l’université, Ishita Malaviya s’est mise au surf en 2007. Devenue première surfeuse dans pays marqué par le sexisme, elle a su convaincre les regards méfiants et profite de sa petite notoriété pour favoriser l’éducation. Dans le petite village de Kodi Bengare, sur la côte ouest indienne dans la province du Karnataka, le couple a créé un un surf camp, The Shaka Surf Club.

Depuis la création du surf camp, Ishita et Tushar ont la volonté de faire participer les familles vivant dans le village. Ainsi, les repas sont préparés à tour de rôle par cinq familles: poisson fris, galettes, shutneys coco… une cuisine authentique faite avec des produits locaux.

Les enfants sont aussi très impliqués dans la vie du club: cours de natation, ramassage de déchets sur les plages et bien sûr cours de surf et de skate. Grâce à l’éducation menée peu à peu aujourd’hui, Ishita et Tushar ont pour projet de participer à leur manière au développement des zones côtières et aux sports aquatiques. L’océan n’est pas encore considéré comme un terrain de jeu et reste plutôt synonyme de travail pénible et de dangerosité. L’Inde compte 7500 noyades par an.

Ishita a passé son enfance dans la mégalopole de Bombay au nord-ouest de l’Inde et, pour autant, il a toujours été sensible à la nature et aux grands espaces. En 2000, elle intègre l’université de technologie de Manipal pour suivre des études de journalisme. Tushar, quant à lui, suit alors un cursus en architecture. Ils rêvent tous deux d’aventures, de voyages et de surf.

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Quelques années plus tard, c’est en accompagnant un étudiant allemand, surfer assidu à la session du matin, que la passion du surf est née chez les deux Indiens. Ishita et Tushar découvrent les premières sensations de glisse, ils n’en démordent plus. Ainsi lors de l’été 2007, ils achètent leur première planche de surf, apprenant par eux mêmes à surfer. Ils créent le The Shaka Surf Club.

A force de persévérance et d’énergie, ils s’imposent avec leur passion océane au sein de leur entourage. Les regards curieux et méfiants s’effacent. Une véritable communauté se crée autour d’eux. Très vite les demandes pour apprendre le surf affluent. Les premiers cours financent les planches et l’idée germe rapidement de créer un lieu d’accueil, en proposant une formule clé en main: surf, logement et restauration.

Parallèlement au développement du Shaka Surf Club, l’histoire d’Ishita séduit le cinéaste de surf Dave Homcy qui, en 2013, l’intègre dans le tournage de son documentaire Beyond the Surface. Ishita y parle de sa passion de l’océan, de la nature pendant que le réalisateur suit un groupe de longboardeuses en voyage en Inde.  Forte de cette exposition, Ishita s’affiche comme la première femme indienne à surfer, dans un pays au sexisme encore très marqué. Les médias s’intéressent à son histoire. Elle enchaîne les passages à la télévision, participent à des reportages, des conférences… Pendant quelques années, elle est même l’égérie de Quiksilver qui s’implante en Inde.

Aujourd’hui, Ishita partage son temps entre le développement du Shaka Surf Club, avec son compagnon Tushar, et des collaborations avec des marques telles que Nike ou encore Gopro. Depuis le début d’année 2016, elle est même devenue ambassadrice de la marque française Hoalen. Son objectif: mettre à profit sa médiatisation pour favoriser, autant qu’elle peut, l’éducation, l’émancipation des femmes en Inde et le partage de sa passion du surf.

Texte et photos Mathieu Lodin – Paru dans Surfer’s Journal 116

The Shaka Surf Club : http://www.theshakasurfclub.com

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Ambiance nocturne au clair de lune qui fait partie de la vie du surf camp.