A l’initiative d’individus convaincus et, avec l’appui de la FFS, l’Association Nationale Handi-surf est désormais bien place avec ses sessions découvertes, ses soutiens, son enseignement, sa catégorie en championnat... Une initiative et un développement également un peu partout dans le monde. Ici Julien Caste, de l’école Lehena Hendaye, prenant en charge un enfant porteur d’autisme. Photo Charrasac

A l’initiative d’individus convaincus et, avec l’appui de la FFS, l’Association Nationale Handi-surf est désormais bien place avec ses sessions découvertes, ses soutiens, son enseignement, sa catégorie en championnat… Une initiative et un développement également un peu partout dans le monde. Ici Julien Caste, de l’école Lehena Hendaye, prenant en charge un enfant porteur d’autisme. Photo Charrasac

Depuis qu’elle est passée cet hiver sur YouTube et qu’après son géniteur, quelques-uns des meilleurs surfers (et surfeuses) du moment soient allés la surfer, disparaissant dans un petit tube aux délices infinis, la Vague de Kelly est sur toutes les bouches, dans tous les rêves. Avant elle, dans le paradis artificiel dont le surf semble vouloir faire sa seconde peau sur terre, il y a eu Wavegarden, de nos amis basques, les frères Odriozola dont les ingénieurs de Kelly ont su sans doute habilement s’inspirer pour créer leur déferlement avec cette originalité technique astucieuse de se différer du principe de l’onde océane, très énergivore à produire.

Kelly’s Wave, Wavegarden et plus encore. En tous les cas, c’est parti, la vague sort des mers et s’en va déferler partout et pour tous en terres nouvelles. Déjà en Angleterre, prochainement auTexas, bientôt à Paris, Bordeaux, Barcelone, Australie… (dit-on, espère-t-on). La vague artificielle avait déjà eu ses parcs d’attraction et ces temples de compétition, mais trop coûteuse à produire, elle avait disparu des étales. Et donc là elle revient, plus économe, plus belle, plus parfaite et dans l’air du temps avec un surf qui se développe partout, qui se voit partout… avec même une vague en or aux Jeux Olympiques. Ceux qui, depuis des années, voulaient faire du surf un sport reconnu des Olympiades après qu’il ait été pendant des années celui des parias vagabonds, ont quasi gagné leur pari puisque le surf devrait être annoncé officiellement aux JO de Tokyo 2020, en août prochain par les instances olympiques.

Depuis Waikiki en 1907 où Jack London s’est retrouvé extasié sur une planche au point d’écrire “un sport roi pour les rois naturels de la terre”, en passant par les kilos de cannabis dissimulés dans la board pour vivre de «vagues et d’eau fraîche» comme le voulait l’utopie insouciante des 70’s, le surf a fait du chemin. Un parcours qui, dans la foulée de l’insouciance d’une marginalité autosuffisante,  s’est pris de folie pour la puissance d’un marché du rêve et d’un surfbusiness habillant la terre entière à son image. Mais les images comme les habits sont des marchés éphémères et ce qui put remplir les bourses se transforma en coupes cruelles à la bourse. Pour autant le surf est bel et bien sorti de son enclave, à en voir le live mondial sur Internet de chaque compétition du championnat du monde que des centaines de milliers de néo-afficionados suivent à la vague et à la note près, comme d’autres le tennis, le golf ou la Formule 1.

D’une mode de vie vécue à la dérive, le surf est donc bel et bien sur toutes les rives, d’un spot à l’autre, d’une ville à l’autre, d’une compet à l’autre, d’un media à l’autre, d’une génération à l’autre… Le surf est partout donc et il y a sans doute beaucoup à en dire. Certains de s’en émerveiller, d’autres de s’en plaindre. Cela fait des discussions argumentées comme autant de t-shirts, de planches, de magazines, de caméras achetés, comme autant de spots bondés, de vagues surfées, de gens rencontrés… et au final de sensations (re)trouvées.

Si le surf est partout, ce qu’il procure se propage aussi partout, et la sensation de glisse (avec tout ce qu’il faut d’abnégation pour arriver à la ressentir) n’est pas la pire à éprouver, à vivre, à partager. Les Hawaiiens d’avant Cook l’avaient bien compris, merci à eux de l’avoir inventée. Mais pas plus eux que moi quand j’avais 15 ans à Lafit faisant mes rollers à l’inside après avoir écumé un pétard à côté du feu sur la plage, pas plus eux que moi donc n’auraient imaginé le surf à la télé, le surf à la bourse, le surf à l’école, le surf à la ville… le surf (considéré comme un des sports les plus difficiles) pratiqué par des personnes handicapées !

Et c’est peut-être là une des belles histoires du surf partout, cette sensation de glisse qui ravit les corps et les visages et qui, dans sa propagation tout azimut, est allée toucher des gens pour qui la grâce d’une vague va au-delà de soi. Que le surf dans son individualisme carnassier tout comme dans son prosélytisme affairiste en soit arrivé à ce que des gens, dont la chance est loin d’être une évidence, puissent vivre quelques pas de danse avec l’océan et en sortir eux aussi le corps rassasié, est un détour de parcours étonnant et salutaire. Il faut reconnaissance à ceux qui ont eu la persévérance que ça arrive, ce qu’apprend somme toute le surf dans sa pratique. On ne rend jamais l’impossible possible. Là on (se) tue. A l’inverse, l’impossible se rend parfois possible. Là on (s’) étonne. Comme quand ça nous arrive de décrocher une belle vague sans qu’on s’y attende.

So for the surf, certes partout mais qui n’a pas fini d’étonner par de belles histoires…

—Gibus de Soultrait

(paru dans Surfer’s journal 114)