Kelly Slater vient de gagner à Teahupoo en s’appuyant comme jamais sur le foamball dans le tube. L’occasion de ressortir une vidéo et un article paru dans Surfer’s Journal en 2008 (N°68) et écrit à l’occasion d’une vague exceptionnelle de Kelly à Padang Padang. Depuis, Slater a donc montré à Teahupoo qu’il avait fait de l’exception, sa règle !!!

Dans un monde surabondant médiatiquement, l’exceptionnel tend à s’effacer dans le flot continu des images et des événements qui nourrissent la galaxie des écrans modernes. Non pas tant qu’on ne le remarque pas, mais très vite il s’annule dans l’accélération de ce qui suit, faute de distance critique, d’arrêt sur image pour se donner les arguments d’une réflexion replaçant le fait à sa hauteur. Ce qu’a réalisé Kelly Slater sur la vague de Padang à Bali, lors de sa série du premier tour du Rip Curl Pro est, de fait, exceptionnel, Slater lui-même en ayant conscience, avouant dans un échange à de sujet : “It was a magical day.” Et compte tenu de l’expérience et du niveau de Slater, le mot magique venant de lui, est forcément d’une autre intensité que pour nous (…)

Sur cette vague, Slater tube en grabrail sur la première section et là où la plupart des autres pros se relance sur une ligne transversale pour la dernière section, un bowl dangereux avec une grosse patate de corail à fleur d’eau, Slater, lui, redescend à 90° pour un bottom-turn sur le rail. Une trajectoire en Z qui du coup le place en léger retard sur le tempo de la vague pour justement mieux tuber. Mais à cet instant, au lieu de replonger dans le bowl en appui avant, il se freine encore un peu, pressentant le foamball à ses fesses et prenant le risque de littéralement s’asseoir dedans grâce à son aisance backside et avancer lui. La suite ? Relisons ce que Slater explique à ce sujet dans sa réponse à Shaun Tomson (SJ 63). Description de Slater : “Juste derrière la boule de mousse se trouve l’endroit ultime, une excavation où tombe la lèvre, une cachette au milieu du chaos. C’est difficile d’aller au-delà du tourbillon d’écume et de se stabiliser dans cet espace. Mais une fois calé, vous êtes sur des rails, en pilotage automatique et il y a peu de chose à faire, c’est la vague qui vous tire à sa vitesse. J’ai l’impression d’avoir une corde attachée au nez de ma planche et qu’elle me tracte.”

Pour la plupart d’entre nous, qui dit tourbillon d’écume dit plutôt sensation d’une corde attachée à l’arrière qui vous retient… Avec cette vague, Slater touche aux confins ultimes de ce qu’on peut imaginer du placement d’un homme dans le déferlement d’une vague. Se glissant dans le foamball au point d’y trouver son assise, il laisse l’œil du “cyclone” le guider et lui ouvrir la voie.

Kelly peut avoir un neuvième titre mondial, courir après un dixième, réussir un double air 360 ou autre incroyable trick, ce sont des performances de champion, d’acrobate, assez pale par rapport à ce qu’il a touché (montré) avec cette vague “unique” : l’essence du surf. Dans l’histoire de ce sport et de l’homme, ce n’est pas rien.

—Gibus de Soultrait

Kelly slater

Kelly Slater vainqueur du Billabong Tahiti Pro 2016 à Teahupoo. Photo WSL