S’il y a en un qui a le surf dans la peau, c’est bien lui. 88 ans, Peter Cole, malheureusement ne surfe plus suite à une opération lui ayant limité son mouvement de bras, mais il nage toujours. Habitant le North Shore non loin de Pipeline, il continue de suivre la scène surf comme personne. Il discute régulièrement avec John John Florence, son ami, qu’il a vu grandir bien sûr comme tant d’autres. Sur les 60 ans du surf moderne depuis l’après-guerre, il sait les surfeurs qui ont vraiment été les bons sur une vague. De Matt Kivlin, surfeur de sa génération, le plus performant de la fin des années 1940 à donc JJF, il les nomme et les compte sur les doigts de sa main. Son principal critère, c’est notamment de très bien surfer Sunset, une vague complète, sa vague favorite depuis son installation sur le North Shore en 1958, une vague de trajectoires, de manœuvres, de techniciens, de marins… Comme lui, le surfeur waterman qui n’a jamais mis un leash à sa planche (sans doute aussi parce qu’il perdit un œil avec celle-ci en 1970 et que le leash, arrivé après, lui parut encore plus risqué) et en tire une fierté. Faut dire que tout en devenant passionné de surf à l’âge de 14 ans dans les années 1940 sur la plage de Santa Monica (LA, Calif.), il s’initia aussi au water polo et fut pendant ses années universitaires un champion de ce sport d’équipe, tout en participant à des compétitions nationales de natation. Quand il intégra le clan des pionniers de Waimea à la fin des années 1950, il ne craignait pas de nager, ni de perdre sa planche. Pour autant Peter Cole n’a jamais été un casse-cou comme son pote Greg Noll qu’il voyait ramer dans des vagues suicidaires les yeux fermés pour ne pas avoir peur du take-off. Son approche à lui a toujours été plus attentive, observatrice et pas pour rien qu’il décrochait, à l’égal de son autre pote de line-up, Pat Curren, la vague du jour.
Dans la vie Peter Cole a toujours conçu le surf comme une activité ne substituant pas à l’activité professionnelle. «Ceux qui ont surfé toute leur vie, ont toujours eu un travail.» Il a vu l’alcool, la drogue ravager ceux qui, sur le North Shore, n’avaient que le surf comme intérêt… «Le surf, c’est pour se faire plaisir, rajoute-t-il, un plaisir qui donne sa part au reste de ce qu’on doit faire.» De ce fait sans doute, il n’a jamais porté un intérêt majeur à la compétition de surf, même s’il va toujours à Sunset voir les pros mener leurs joutes. Mais lorsqu’il y eut par le passé des séries man-on-man à Sunset, il sortit de son calme et s’insurgea contre cette main mise du spot par l’ASP, voyant en plus nombre de vagues passées sans personne, pendant que lui et ses compères trépignaient d’aller à l’eau. Il eut gain cause. Tout comme contre un projet de golf et de parc immobilier sur les collines de North Shore, succès obtenu en ayant pris alors la tête de l’antenne hawaïenne de Surfrider Foundation.
Humble, discret, plein d’humour et passionné, Peter Cole suscite largement la considération de ses pairs, même s’il ne fut pas le surfeur le plus médiatisé comparé à un Greg Noll ou à son meilleur ami, aujourd’hui disparu, Ricky Grigg. C’est avec celui-ci qu’il quitta Santa Cruz, diplôme en poche, et qu’il décida de vivre à Hawaii. Il débuta comme enseignant à l’école de Punahou (rendu célèbre pour avoir été plus tard l’école d’Obama). Parmi ses élèves Gerry Lopez, Jeff Hakman dont il voyait parfois les chaises vides, n’étant pas dupe de leur absence au vu des vagues du jour. Inversement les deux élèves le voyait arriver donner ses cours les cheveux mouillés… Pendant les vacances d’été, il fut longtemps lifeguard à Santa Monica. Puis fort d’un master en sciences de l’information, il devint analyste chercheur, sur Hawaii, pour différents ministères nationaux.
Fidèle de la France depuis le Biarritz Surf Festival où il vint plusieurs fois, Peter Cole était, cet été, sur la côte basque. Du coup les surfeurs de la municipalité d’Anglet veillèrent à l’honorer en l’invitant à inscrire l’empreinte de ses pieds sur la récente Surf Avenue inaugurée en juillet (voir SJ 127). Belle reconnaissance pour un surfeur légendaire qui, curieusement, n’a pas son pareil sur le Hall of Fame d’Huntington. Ce qui lui fit d’autant plus plaisir, car il se fiche d’Huntington et ne jure que par ce coin de côte atlantique… avec Hawaii, bien sûr. La présence de tous les jeunes Mns d’Anglet à cette cérémonie fut un émouvant honneur pour un homme qui n’en a jamais cherché et s’étonna de cette chaleureuse reconnaissance —G.S.
Paru dans Surfer’s Journal 128