Rame au port de Guéthary, 22/08/2019 à la veille du G7. Photo Christelle Chambre

Après une première rame pour ta planète à l’occasion de l’étape, à Biarritz le 6/10/2018, d’Alternatiba dans son tour de France écolo à vélo, il y avait un pari audacieux de notre groupe organisateur (1) à décider de mobiliser les surfeurs(ses) tous les premiers samedis du mois, jusqu’au G7 à Biarritz en août 2019, soit onze mois plus tard. L’audace n’était pas de nous convaincre nous-mêmes de l’intérêt de ramer tous les mois, mais bien de susciter celui-ci auprès des surfeurs(ses). Et entre l’individualisme exacerbé de notre espèce aquatique et les
«A quoi ça sert ? Quelle légitimité ?» permettant à tous les détracteurs de trouver de bons arguments pour ne pas y aller ou  pour dénigrer une telle action, la tâche de rassembler des surfeurs n’a pas été facile.
On s’en doutait et la persévérance fait partie de la rame pour décrocher une vague en surf. Pour autant, fallait tenir.

Au départ, dans notre volonté de caractériser le fait que, le G7 se déroulant à Biarritz, ville océane et de surf, les surfeurs avaient leur mot à dire pour faire entendre l’océan, on se focalisa sur la Grande Plage de Biarritz, cela donnant lieu cependant à des rassemblements plus symboliques qu’effectifs. Mobiliser à répétition des surfeurs au cœur de la ville se révéla vite ne pas être la bonne stratégie, d’autant que le G7 devenant localement l’objet de beaucoup de complaintes, de débats, on prenait le risque de perdre notre premier motif d’action : l’océan. Donc exit Biarritz et le G7 de nos têtes, et focus sur le fait de rassembler la communauté surf sur les enjeux climatiques et écologiques de la planète tel que ne cessent de les déclamer les scientifiques du Giec. Au même moment, d’autres rassemblements de surfeurs eurent lieu un peu partout ailleurs en France, lors de ces premiers samedis, autant d’échos à notre initiative nous motivant à la faire voyager sur les spots et communes avoisinants Biarritz, à la faire rebondir ainsi au nom notamment de ce qui fut le principe fédérateur de notre groupe comme de notre action: susciter un mouvement citoyen, sans bannière, reflétant ce qu’une communauté surf et plus entendaient exprimer et partager en se rassemblant pour ramer pour la planète. 

A partir de là, avec l’appui des surf clubs, le consentement des communes et l’orchestration de Surfrider Foundation, on rassembla et rama chaque premier samedi du mois, de Hendaye à Anglet en passant par Guéthary, St Jean de Luz, Biarritz, Bidart. Chaque rame eut ses conditions océanes, son atmosphère, ses lumières et son nombre conséquents de participants pour y voir assez de sourires, y entendre assez d’encouragements, y percevoir assez d’émotions partagées pour organiser la rame d’après. A y regarder a posteriori, cette aventure collective a été essentiellement une affaire d’écoute et de considération. Déjà entre nous avec tout ce qu’un groupe peut vivre comme divergences, convergences et au final comme résistance et persévérance. Puis avec les éléments: comme pour une session de surf, l’œil était rivé sur la météo et celle-ci fut chaque fois d’une surprenante et belle résonnance avec notre action de sensibilisation. Et bien sûr avec les participants: de près comme de loin, ceux-ci comprenaient chaque fois plus la portée de ces rames, au nom de soi chez soi (changer ses habitudes de consommation) comme auprès des décideurs (leur mettre la pression), de ce qui s’exprimait ainsi de la part des surfeurs(ses). Cette action écologique s’inscrivait aussi dans la lignée des multiples autres parsemant l’actualité, de l’Affaire du siècle à Extinction Rébellion en passant surtout par le mouvement international des lycéens, génération indubitablement concernée par l’enjeu climatique ! De quoi se convaincre d’un peu de sens collectif à exister, à résister sur terre, pour cette terre. Pas vain pour des individus surfeurs !

Puis se déroula cette douzième Rame pour ta planète, à Guéthary, dans le contexte très cadré et sécurisé du G7 à Biarritz. Combien allions-nous être ? Comme un feu d’artifice, quel bouquet final ? Comme à chaque fois avec les surfeurs, on ne sait jamais et une demi-heure avant l’heure dite du rassemblement, la petite plage du port n’affichait surtout que le refrain incitateur des panneaux transportés à chaque rame. Puis peu à peu chacun débarqua avec sa planche sous le bras et les visages, les rencontres, les discussions prirent l’espace en main, le remplissant au-delà de sa capacité, sous les yeux attentifs (et étonnés) des nombreux médias nationaux (merci l’AFP !) postés là en mission pré-G7. Ces derniers n’auraient pas cru avoir si bon appât à la veille de la réunion des Présidents, avec des surfeurs. Et pourtant si ! Ça l’a fait ! Plus de trois cents cinquante surfeurs(ses) partirent en débandade joyeuse dans l’océan et s’alignèrent dans une chaîne pétillante d’éclaboussures, pour clamer haut et fort la voix de l’océan. Un moment tout de même assez inédit. Un moment fort. Quelle autre communauté sportive, aussi individualiste, soulève une telle vague au nom d’un enjeu non pas corporatiste, mais bel et bien vital pour tout le monde… 

Ce jour-là, l’océan avec une journée glassy, ensoleillée mais sans vagues, donna sa part au change, en disant: «La fête est belle, mais pas de surf car à vous les surfeurs de rendre, d’être là à ramer pour moi !» Les surfeurs, ce jour-là, étaient présents et l’océan au sunset, pour le pot de l’amitié, répondit de façon superbe. A eux maintenant de le considérer, à eux de se considérer en considérant la planète… et pas qu’un peu ! Mission somme toute réussie pour les organisateurs, en attendant la sortie d’un film de cette aventure qui ouvrira peut-être la porte à d’autres… A suivre.  

Merci à toutes et tous ! 

Keep paddling, keep surfing.

Gibus de Soultrait

Paru dans Surfer’s Journal 134

(1) Marie-Octavie Davin, Louis de Faujac, Lucie Francini, Sabina Hourcade, Rémi Lassauvetat, Julien Roulland, Marion Sadi, Gibus de Soultrait, François Verdet, Elena Vignerte et aussi Aurélien Desbois, Isabelle Desmond, Jonathan Roy et pour la variété des images Christelle Chambre, Pierre
Fréchou, Pierre Lapeyrade, Greg Moyano, Greg Rabejac, Fabrice Viguier…