Shapeur en Gironde la marque Swop, David Charbonnel nous explique les spécificités du twin-fin et le plaisir qu’il a à les shaper et les surfer.

Charbonnel, un shapeur qui œuvre sans machine. Photo Céline Brachet

Tu es de la génération de surfeurs qui ont été marqué par le film Free Ride. A cette époque des années 1980, considérais-tu le twin-fin ?

J’ai commencé à surfer entre 12 et 13 ans, au milieu des années 1980, et à shaper au début des années 1990. Dans les années 1980, les planches avaient encore pas mal de volume. Mais j’avoue qu’à ce moment-là je ne m’intéressais pas au shape , ni au design de ce que je surfais. Quand j’ai débuté le shape, la tendance avait changé. Les galettes tri-fins très bananées de la génération New School avaient remplacé les thrusters plats et épais des années 1980. J’ai redécouvert le twin-fin après quelques années de shape, car je sentais le besoin de m’enrichir et de progresser dans mon métier. Je me suis intéressé, comme d’autres un peu à contre courant, à l’histoire du shape et à des planches moins standardisées. C’est comme cela que j’ai commencé à m’initier au twin-fin.

Quelle a été pour toi la révélation du twin-fin ? 

Il y a une vingtaine d’année, lors d’un voyage à Bali, un américain, Nicolas, pionnier de la découverte des spots de surf indonésiens dans les années 1970, m’a offert un fish de Bob English de 1972, en parfait état qu’il avait précieusement conservé pendant toutes ces années. 

Dans les années 1990, les fishs n’étaient pas vraiment tendance et moins recherchés que maintenant. Pourtant, pour moi, ce fut un cadeau inestimable, car Bob English est connu pour être un des précurseurs dans le shape de ce type de planche et une figure notoire du Crew des shapers de San Diego. J’ai testé la planche sur place et j’ai tout de suite été subjugué par sa glisse et sa rapidité. Les trajectoires étaient différentes, moins courtes qu’avec un thruster, mais plus en courbe. Le twin-fin permettait de monter beaucoup plus haut dans la vague et de générer une belle accélération. J’ai commencé à travailler sur ce shape peu de temps après.

Tu as shape et travaillé le modèle Simmons pour le rendre plus performant. Comment combiner vitesse et maniabilité dans la carène ?

Le fish twin-fin m’a amené à m’intéresser aux modèles de Bob Simmons. Les carènes planantes hydrodynamiques, telles que les a conçues dans les années 1940 ce surfeur-shapeur légendaire, sont des planches vraiment hallucinantes. Faut les surfer pour se rendre compte de la vitesse qu’elles peuvent avoir sur la vague. Le belly (dessous rond) de la carène qui se transforme en concave vers l’arrière et les deux grosses dérives keel (pleines) placées très à l’arrière, sont ce qui, notamment, génère cette vitesse et cette impression de planer.

Charbonnel, testant son twin-fin dans les îles…

Mais à cause de la largeur du tail, la Mini Simmons est une planche difficile à manier. Il faut déplacer le pied arrière d’un rail à l’autre pour la faire tourner. Du coup petit à petit, j’ai modifié le tail. J’ai rétréci sa largeur, je l’ai amincie et je lui ai donné un peu de lift pour que l’arrière puisse mieux pénétrer dans l’eau dans les virages. La planche est plus manœuvrante. J’ai fait ces modifications progressivement jusqu’à trouver le point de rupture où la Mini Simmons n’en est plus vraiment une et perd ses spécificités pour devenir autre chose. Ces recherches ont influencé les twin-fins que j’ai faits par la suite, que ce soient des fishs ou des planches hybrides. J’ai travaillé sur une planche qui est un doux mélange de Mini Simmons et de fish, avec un stealth tail (un espèce de swallow plus large et découpé de façon plus géométrique) qui, là encore, permet d’enfoncer l’arrière de la planche plus facilement tout en gardant de la surface planante et de la vitesse. Les dérives, en quattro, sont montées par paires très rapprochées, comme si c’était une seule dérive que l’on avait divisée en deux et légèrement décalée. Du coup elle s’apparente plus à un twin-fin qu’à un vrai quattro.

Toutes ces recherches ont été optimisées par mes échanges avec Teiki Ballian et nos longues navigations aux Mentawai, lieu était pour nous un véritable laboratoire pour tester mes modéles de planches sur des vagues parfaites.

Qu’est-ce qui la technicité  d’un twin-fin de nos jours ?

Le twin est un type de planche très modulable: on peut jouer sur le placement des dérives, sur leur angulation, leur flex et leur surface, et pousser ainsi le twin-fin vers des performances équivalentes au thruster. Outre la Mini Simmons, le twin était souvent associé à un swallow tail, mais il fonctionne très bien avec d’autres tails. J’en fais avec des round tails, des stealth tails ou des square tails, avec des résultats très intéressants. Plus besoin de déplacer son pied arrière latéralement. En modifiant certains paramètres, on conserve le toucher unique du twin-fin qui combine vitesse et courbes, sans risquer de déraper. Le twin-fin classique exige un surf groupé et très appliqué. Les twin-fins actuels sont plus accessibles par tous.

Quelles sont les cotes et les spécificités du twin-fin que tu surfes en ce moment ?

Je surfe actuellement une planche hybride entre un twin fish et une Mini Simmons. Elle fait 5’6 x 21’’ ¾ x 2’’ 5/8, avec un rocker très plat et un fort concave sur le tiers arrière. Les dérives ont un flex médium. J’ai choisi un stealth tail pour tourner plus court malgré une surface importante à l’arrière, garante de la vitesse et du côté planant. F

Recueilli par G.S

Paru dans Surfer’s Journal 128