En juin 2016, le salon Sea Energy autour des énergies marines renouvelables était à Biarritz. A cette occasion, l’équipe de Surfpark à Bordeaux, organisa une journée de présentation et de débats autour des diverses technologies et projets de piscines à vagues. Avec Lilian Labit, surfer ingénieur qui travailla pour Surfrider Foundation Europe, fut l’animateur de cette journée. Il nous explique ce qu’il en est actuellement des piscines à vagues dont l’actualité connaît un bond avec les réalisations de Wave Garden et la médiatisation de la vague de Kelly Slater. Les vagues terrestres vont-elles sortir à foison des villes et des champs ? Affaire à suivre…
Wave Garden utilise le procédé novateur de déplacement de masse, dit technologie buttoir, un peu comme la vague d’étrave de bateau, générée ici avec une forme se déplaçant sous l’eau, associée à celle du bassin. Ici le surf parc de Snowdonia (Pays de Galles), de nouveau ouvert cet été 2016. La vague fonctionne en aller et retour. /DR Wavegarden
Aujourd’hui on voit de nombreux projets de piscines à vagues sortir de terre, avec des techniques différentes…
Lilian Labit: Dans le milieu naturel on rencontre trois types de vagues: les vagues statiques (de rivières), les vagues dynamiques (océanes) et une particularité bien connue en Aquitaine, les mascarets. La vague statique la plus connue en Europe est celle de l’Eisbach, à Munich. Sa reproduction par l’homme en dehors du milieu naturel date déjà de près de 25 ans, puisque les premiers flowriders sont apparus début 1990. Le procédé consiste à projeter une lame d’eau plus ou moins importante sur une forme plus ou moins en pente. Certains fabricants proposent maintenant des systèmes permettant de surfer avec des planches avec des dérives. L’inclinaison modulable de la forme sous l’eau permet d’obtenir une vague variée allant jusqu’au tube. Depuis l’apparition des premiers flowriders, certaines sociétés européennes offrent des technologies de vagues statiques plus abouties, comme CityWave, Madea Concept ou Hydrostadium, avec des installations temporaires à l’aéroport de Munich, à Courchevel, le parc de loisir de Buthiers (Seine-et-Marne), un projet à Saint Gilles Croix de Vie (Charente Maritime) ou au futur centre commercial de Ondres (Landes), cela parmi d’autres. L’avantage de la vague statique est une taille de bassin modeste souvent couvert. CityWave la module du débutant à l’expert. Acontrario la vague dynamique a besoin d’un bassin de large envergure (env.30 000 m²). Pour créer celle-ci, il y a deux procédés: les technologies dites à déplacement de masse ou technologies «buttoir» et celles dites à déplacement d’onde ou technologies «pneumatiques». Les premières technologies buttoir sont apparues vers 2005, avec le célèbre bassin Wave Garden, dans le pays basque espagnol. Le procédé mise au point par les frères Odriozola, est innovant et moins cher. Il rappelle la vague de bateau. Il s’agit de tracter sous l’eau un profil qui génère une vague. Trois entreprises utilisent concrètement ce principe de la vague d’étrave à déplacement de masse, Wavegarden, Kelly Slater Wave Company et Webber. Il y a aussi le projet le Laurent Hequily, Okahina. Chacun joue sur la forme de l’objet déplacé sous l’eau, associée à celle du bassin pour «shaper» la vague et créer des zones déferlements selon les niveaux. Mais la formule de Kelvin (onde linéaire à la surface d’un fluide parfait) nous apprend «que tous les sillages de bateau sont compris dans un cône d’angle 39°». Ainsi une vague dynamique par déplacement de masse n’aura qu’un seul angle de propagation, contrairement aux vagues dites pneumatiques qui peuvent être orientées à volonté.Le déplacement d’onde, quant à lui, est une évolution d’un principe plus ancien dont l’ancêtre est finalement celui du «lâcher d’eau», utilisé par l’entreprise Murphys (Wadi Wave Pool aux Emirats Arabes, Siam Park aux Canaries, etc… ) et apparu dès les années 1990. Ce système est à nouveau développé par les deux acteurs historiques de vagues statiques, (American Waves machines avec Perfect Swell et Waveloch avec Surfloch). Il a pour principe de générer une onde et non de tracter une masse sous l’eau. Dans plusieurs chambres pneumatiques de l’air va être alternativement aspiré et relâché à une fréquence donnée. Cela crée une onde qui va se propager par elle-même dans le bassin. Ce système pneumatique modulable d’envoi d’onde est moins coûteux que les gros moteurs à pompes utilisés dans le passé, rendant les piscines à vagues souvent impossibles à rentabiliser. Le travail de forme du bassin, avec différentes zones plus ou moins profondes, multiplie l’exploitation du déferlement de l’onde. C’est ce que met au point Waveloch, avec la rentabilité prévue de plus de surfers au même moment dans le bassin.
Ce procédé se rapproche du mode de formation naturel des vagues océanes. En effet, une zone de pression/dépression créée dans une chambre est finalement similaire à la zone de fetch qui sous l’action du vent crée et propage les vagues dans l’océan.
Ces nouvelles technologies de déplacement d’onde sont encore au stade d’études et de projets. Certes Waveloch est une entreprise qui a de l’expérience, notamment dans l’exploitation rentable de piscines à vagues statiques et si elle part sur cette technologie, c’est qu’elle a étudié la question. Cependant entre le modèle numérique ou un prototype à une échelle 1/20 et une réalisation établie, il y a souvent beaucoup d’obstacles techniques, financiers, commerciaux. Actuellement les seules références existantes ayant le niveau de maturité technologiques le plus élevé sont les installations Wave Garden (Snowdonia, de nouveau ouvert au Pays de Galles, Nland Surf Park, Austin, Texas, qui va ouvrir bientôt), des installations spécifiquement surf, et celles de Murphys associées souvent à des parcs d’attraction.
Les technologies pneumatiques de déplacement d’onde sont attrayantes en terme d’économie d’énergie et d’emprise foncière (surface de bassin plus petite), mais aussi grâce à une fréquence de vagues plus importantes. Néanmoins tant que les projets de Rotterdam (Hollande) ou Bristol (Angleterre) pour Waveloch, et de Sotchi (Russie) ou d’American Dream Meadowlands (New Jersey, USA) pour American Waves Machine n’auront pas vu le jour, le marché sera toujours conduit par les acteurs reconnus des technologies de déplacement de masse comme Wavegarden ou KS Wave Co.
Les technologies de créations de vagues ont des similitudes avec celles des énergies houlomotrices…
Les technologies de récupération de l’énergie des vagues dites à «colonne d’eau» comme celle construite à Mutriku (pays basque espagnol) ou même celle de la chambre barométrique construite dans les années 1930 au pied du phare de Biarritz reposent sur les mêmes concepts que les technologies de production de vague à déplacement d’onde. Dans un cas les vagues compriment de l’air pour produire de l’énergie, dans l’autre on comprime de l’air dans une chambre pour produire une vague.
Par ailleurs les travaux de recherche menés sur les systèmes complexes de modélisation de vagues par le laboratoire l’Institut de Mécanique et d’Ingénierie de l’Université de Bordeaux sont complétement transversaux et peuvent bénéficier aux technologies de production de vague. On peut aussi envisager d’utiliser des technologies pico-houlomotrices pour récupérer et amortir l’énergie résiduelle des bassins de loisir, ou bien même d’utiliser une partie de l’année (l’hiver par exemple) les bassins à vagues pour tester des prototypes houlomoteurs.
Le Laboratoire de recherche en hydrodynamique, énergétique et environnement atmosphérique de l’École Centrale de Nantes développe d’ailleurs actuellement une nouvelle technologie de production de vagues et de courants pour ses nouveaux bassins de test qui pourrait avoir des applications commerciales dans le secteur loisir ! De plus les régions favorisent l’émergence de ces «ponts technologiques» entre le marché du loisir et ceux de l’énergie et des constructions navales. A suivre donc.
Tu fais partie de l’équipe de Surfpark à Bordeaux Où en est ce projet ?
Actuellement une étude programmatique commandée par Bordeaux Métropole étudie les axes d’aménagements les plus pertinents pour le développement de la zone de Bordeaux Lac, où on a manifesté notre intérêt pour un terrain appartenant à Bordeaux Métropole. Cette étude rendra ces conclusions en fin d’année. Tant au niveau économique, touristique, que social ou sportif, ce projet fait l’objet d’un consensus très favorable auprès des acteurs locaux et de la communauté d’amateurs de surf bordelaise, reste aux décideurs politiques à nous délivrer une promesse de bail sur le terrain pour poursuivre concrètement les études. (Voir www.surfparkbordeaux.fr).
Avec Inspiral Development vous avez une démarche collaborative…
L’équipe d’Inspiral (3 ingénieurs, 2 gestionnaires – www.inspiraldeveloppement.com) développant Surfpark Bordeaux s’est rencontrée sur les réseaux sociaux autour d’une même vision : amener le surf dans la ville. On a eu la chance de se trouver et s’entendre en partageant les mêmes valeurs notamment sur le plan de l’environnement. L’esprit collaboratif est dans notre ADN. On dit souvent que notre sixième membre est la communauté qui nous suit sur la page FB Surfparkbordeaux et au travers des différents évènements que nous avons organisés. Nous l’associons depuis le début à notre réflexion dans les différentes étapes de la construction du projet. Nous collectons des milliers de commentaires, d’idées nous permettant au fur et à mesure de construire un projet répondant au mieux aux attentes des Bordelais et de tous les amateurs de surf.
Propos recueillis par G.S.
Paru dans Surfer’ Journal 115
Ouverture le 7 octobre 2016, du surf park NLand, à Austin, Texas, avec la technologie Wave Garder. La vague artificielle actuelle la plus longue et offrant des sections de surf pour tous les niveaux.